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Le démystificateur en blouse et lunettes

Rencontre dans un café avec le mystérieux Victor Rodgère, ou plutôt le journaliste qui se cache derrière ce pourfendeur d’arnaques.

De quoi parle Victor Rodgère ?

La première vidéo de Victor [ndlr : et son coup de maître avec plus de 56 700 vues] concerne les fameux « bracelets d’équilibre », un très bon exemple d’escroquerie. Les gens ont été bernés par un coup marketing génial : on leur a fait croire, grâce à un test convaincant, qu’un simple bracelet en silicone sur lequel est collé un pseudo-hologramme pouvait améliorer l’équilibre et la force… C’est dément ! Mais je comprends que certains aient pu être impressionnés, car ils n’ont pas eu le temps de prendre un peu de recul et de réfléchir au test qu’ils venaient de subir. Et c’est en tombant sur une vidéo des fabricants qui présentait ces tests  que j’ai eu envie de la parodier, tout en proposant une expérience simple que chacun peut faire. Nous avons notamment montré qu’une petite cuillère tout à fait ordinaire avait autant de pouvoir que ces bracelets. C’est-à-dire aucun !

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La seconde vidéo concerne le respirianisme [17 200 vues] et la troisième [25 900 vues] s’attaque aux aphrodisiaques et reprend l’idée du test. Dès qu’on peut faire une expérience, on la tente car je pense que c’est très éloquent, surtout pour des personnes qui ne sont pas forcément sensibles à la méthode scientifique. Ces expériences ne sont pas scientifiquement très rigoureuses, mais elles mettent l’internaute sur la voie de l’esprit critique. Pour la dernière vidéo en date, l’irrigation du colon [8100 vues dont quasiment 5000 dans les premières 24 heures], difficile à expérimenter, nous en avons profité pour faire un petit hommage aux Nuls et à la fameuse fausse pub Tonyglandil.

Journaliste ou chercheur… qui est Victor ?

Le personnage de Victor n’est pas un chercheur mais plutôt une caricature de la science avec sa blouse et ses lunettes. Les vidéos qui le mettent en scène viennent compléter la rubrique « Décryptage » du mensuel Sciences et Avenir où nous passons en revue des arnaques, des escroqueries ou encore des pratiques pseudo-thérapeutiques qui s’appuient sur des arguments scientifiques dévoyés. Victor fait donc un véritable travail de journaliste, mais il le présente avec dérision et un esprit un peu burlesque, ridicule, afin de traiter les sujets de manière plus légère. Son nom fait d’ailleurs référence à un passage célèbre du film culte : « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? ». La scène se passe dans la cabine d’un avion au moment du décollage. Le Capitaine Over (« Terminé » en langage radio) communique avec la tour. Il termine chacun de ses messages par « Roger », ce qui signifie « Message reçu ». Or le co-pilote, joué par le basketteur Kareem Abdul-Jabba, s’appelle justement Roger. D’où cet échange interminable entre la tour, le  capitaine et le co-pilote qui à chaque fois que l’on prononce Roger, croit que l’on s’adresse à lui. Et comme « Roger » signifie « message reçu», j’ai trouvé qu’il convenait parfaitement à notre projet, alors je l’ai francisé. C’est devenu Rodgère. Quant à Victor, c’est tout simplement le prénom du mécanicien assis derrière les deux pilotes. Je crois que c’est la première fois que j’explique tout ça !

Pas de problème de schizophrénie ?

Au contraire, créer ce personnage m’a beaucoup aidé à me sentir plus à l’aise face à la caméra. Victor Rodgère, ce n’est pas moi, ce n’est pas le journaliste. Je souhaitais aussi qu’il ait une identité visuelle forte, facile à retenir et à illustrer. Cette identité se retrouve dans le logo de l’émission conçu par Christian Poulot, un graphiste blogueur qui travaille dans le milieu de la mode. Regardez bien, la silhouette a été dessinée d’un seul trait !

Comment se passent les tournages ?

J’ai la chance de travailler avec une petite équipe mise à disposition par le Nouvel Observateur [ndlr : hebdomadaire du même groupe de presse que Sciences et Avenir]. Deux jeunes s’occupent du tournage et du montage (Elena Brunet et Cédric Cousseau) et Jérôme Hourdeaux, chef de la rubrique vidéos du Nouvelobs.com, prend en main la logistique, le planning et tout ce qui a trait aux droits comme l’utilisation de certaines musiques par exemple. Je prépare le scénario, découpé en petites scénettes. Puis nous tournons, si possible en extérieur quand la météo le permet. Petite anecdote : pour l’irrigation du colon, la pluie nous a obligés à nous rabattre dans un restaurant pour tourner les dernières scènes. Nous avons donc du trouver une autre chute que celle qui était prévue en extérieur.

Nous réalisons une vidéo par mois, pour un tournage d’une demi-journée en moyenne. Pour la première vidéo, nous sommes allés au Trocadéro et nous avons demandé à des touristes de participer. Je devais me présenter comme un journaliste pour les rassurer, car avec ma blouse et mes lunettes, j’avoue que j’ai un petit côté pervers qui peut faire peur (rires). Pour les autres vidéos, j’ai fait participer des amis comme par exemple Marine Sartoretti qui est mannequin [vidéo sur les aphrodisiaques] ou la comédienne Karine Hulewicz [vidéo sur l’irrigation du colon]. Tout cela se passe dans un esprit très potache.

Pourquoi avoir choisi ce format de courtes vidéos sur le web ?

En tant que journaliste dans un mensuel papier, j’avais envie de me frotter à d’autres médias. Je n’échappe pas à cette tendance de vouloir marier les supports, chacun avec ses spécificités éditoriales et temporelles. La vidéo est un bon moyen de faire passer une information scientifique avec un peu d’humour. Nous espérons aussi atteindre un public plus jeune et n’ayant pas forcément le réflexe de s’intéresser aux sujets scientifiques souvent jugés un peu austères. Notre but est de les divertir tout en leur montrant l’importance du sens critique. S’ils veulent aller plus loin, ils peuvent lire le complément dans le mensuel. C’est un exercice intéressant qui m’oblige à concevoir un même sujet sous deux formes différentes, l’une très écrite et l’autre très visuelle. Cette expérience nous a également permis de nous imprégner de l’esprit du web, tout en gardant la même rigueur que l’on peut avoir sur le papier. Ce que raconte Victor Rodgère est le résultat d’une enquête réalisée auprès de chercheurs et spécialistes, comme je le fais pour un article classique.

Est-ce difficile de faire passer de tels messages en vidéo ?

Les personnes qui travaillent sur le web vous le diront : on a encore du mal à trouver un format qui fonctionne en vidéos. Cela tient beaucoup au fait qu’il n’est pas possible de raconter grand-chose en quelques minutes. Il y a des exceptions : je pense en particulier aux conférences TED, qui en 15 minutes, ce qui est long sur le web, diffusent de la connaissance sans être ennuyeuses. Ils ont réussi à transformer une cour magistrale en un véritable show, mené par des intervenants brillants, charismatiques et souvent drôles. Nous, on n’avait pas tout ça  (rires), alors on essaie de faire plus court avec un peu d’humour. Nos vidéos sont découpées en trois parties : un sketch ou une expérience, puis un « Debrief » qui explique le sujet suivi d’une chute, le tout ponctué si possible de quelques gags. Je pense que nous ne sommes pas totalement au point, notamment pour le Debrief qu’il faudrait rendre plus fluide, car je trouve qu’il casse un peu le rythme de certaines vidéos. On y travaille !

Pour aller plus loin

- Victor est présent sur Facebook, Knowtex, Dailymotion et bien sûr Sciences et Avenir


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